À l'ACEME, notre mission est de donner aux scientifiques africains les moyens de mener la lutte contre les maladies à transmission vectorielle, telles que le paludisme, qui affectent gravement le continent africain. Pour ce faire, nous travaillons à la mise en place d'une plateforme où les chercheurs pourront acquérir des compétences avancées en ingénierie moléculaire et contribuer au développement d'outils innovants pour contrôler les vecteurs de maladies, tels que les moustiques responsables du paludisme.
Une étape clé de ce projet consiste à renforcer l'expertise et le savoir-faire technique de notre équipe de chercheurs au Mali. Grâce à un partenariat de renforcement des capacités avec l'université de Keele, j'ai eu l'occasion d'acquérir une expérience pratique en génie génétique, en maîtrisant des techniques avancées qui seront déterminantes pour notre travail à l'ACEME.

Bien que notre équipe à l'Université des Sciences, Techniques et Technologies de le Bamako//Centre de Recherche et de Formation sur Paludisme(USTTB/MRTC) ait une grande expérience dans la manipulation de moustiques génétiquement modifiés et sauvages - y compris l'élevage, la reproduction et le maintien des colonies de moustiques - cette collaboration nous aidera à approfondir notre expertise dans le développement de moustiques génétiquement modifiés comme un outil potentiel pour contrôler les maladies transmises par les moustiques. Plus important encore, elle nous aidera à renforcer les capacités en ingénierie moléculaire sur le continent et à nous préparer à former la prochaine génération de scientifiques africains.
En 2024, après approbation des autorités réglementaires compétentes, notre équipe à l'USTTB/MRTC a importé une souche de moustiques non génétiquement modifiés appelée "G3" de l'université de Keele. Nous commencerons par modifier cette souche en introduisant des marqueurs fluorescents (ceux-ci seront visibles dans des cellules et des tissus prédéfinis des insectes modifiés). A terme, notre objectif est d'utiliser les technologies CRISPR pour insérer des marqueurs génétiques similaires dans des séquences génomiques spécifiques, afin de perturber la fonction des gènes nécessaires à la reproduction des moustiques.

Depuis quelques années, je me rends régulièrement à l'université de Keele pour préparer mon doctorat en entomologie et je reviens chaque année dans nos laboratoires de Bamako pour mettre en pratique ce que j'ai appris. Ma thèse porte sur la manipulation génétique des gènes de reproduction chez les moustiques Anopheles gambiae, l'un des principaux vecteurs du paludisme en Afrique subsaharienne. J'étudie une approche qui pourrait être utilisée pour réduire le nombre de ces moustiques et donc réduire la transmission du paludisme. L'une des principales choses que j'ai apprises jusqu'à présent au cours de mon travail à Keele est l'utilisation d'outils informatiques pour concevoir des constructions génétiques afin d'introduire ou de modifier des gènes chez les moustiques, comme l'insertion de marqueurs fluorescents ou le ciblage de gènes spécifiques avec CRISPR/Cas9, qui sont également largement applicables à d'autres applications d'édition de gènes en dehors des insectes. Ces étapes impliquent une planification et des simulations précises, faisant le lien entre la théorie et la pratique avant de passer aux travaux pratiques en laboratoire.

Pour ceux qui, comme moi, ont grandi dans un pays où le paludisme est endémique, les maladies à transmission vectorielle sont plus qu'un ensemble de statistiques : elles sont personnelles. J'ai enduré les symptômes débilitants du paludisme et j'ai vu d'innombrables amis et membres de ma famille combattre la maladie à plusieurs reprises. Les approches génétiques de la lutte antivectorielle, telles que les moustiques génétiquement modifiés, constituent une approche prometteuse dans la lutte contre ces maladies. En adoptant les innovations et les progrès scientifiques, nous pouvons prendre des mesures significatives pour un avenir plus sain.